27 octobre 2025

À entendre les discours o ciels, les ministres de nos gouvernements sont tous de valeureux chevaliers à la défense de l’allègement réglementaire pour faciliter la vie des entrepreneurs. Pourtant, sur le terrain ou en ce qui nous concerne sur le plancher des magasins, ce n’est pas tout à fait l’impression que ça laisse. Chaque année apporte sa pelletée de nouvelles formalités à déchiffrer. On adapte tant bien que mal les opérations en conséquence, souvent pratiquement à l’aveugle pour éviter des amendes salées. Cette année est mémorable ; je vous épargne les numéros des lois, il y en a tellement que même moi je les mélange. Cerise sur le sunday, l’approche réglementaire est maintenant quasi systématique, la façon de se conformer est susceptible de changer en cours de route, et le règlement ou le guide d’interprétation peut ne pas être prêt à la date d’entrée en vigueur.

Comme vous l’avez lu dans nos pages, certains dossiers ont attiré davantage notre attention comme la consigne élargie ou les modifications aux normes d’exactitude et d’affichage des prix puisqu’ils ont des impacts évidents sur les opérations. C’est facile de se sentir concerné quand on ne sait littéralement pas où entreposer le surplus de contenants souillés ou d’information maintenant normée en taille de caractère sur une étiquette de prix à l’espace limité. Quand il est question de la réforme de la langue française ou de l’obligation de réparabilité, un détaillant alimentaire se sent moins directement interpellé, voire à l’abri ou déjà en conformité. Pourtant, rien n’est moins sûr.

Le propriétaire d’une boucherie lit l’article sur le sujet en se disant qu’il vend des aliments, il en garantit la fraîcheur et passe au prochain client. Cependant, la série d’ustensiles de cuisine dont de belles poivrières au mur du fond sont pour la plupart composées de plusieurs pièces avec un mécanisme techniquement réparable. Il faudrait donc informer les clients sur la durée prévisible d’utilisation, savoir où trouver les parties ou au minimum, l’informer qu’il ne peut garantir la disponibilité des pièces de rechange, les services de réparation et les renseignements sur l’entretien et la réparation « au sens de la Loi sur la protection du consommateur du Québec ». Ce n’était sûrement pas l’intention du législateur quand il voulait en finir avec l’obsolescence programmée, mais une inspection peut révéler des dizaines d’infractions par site.

Voici un autre exemple. On avait suivi la réforme de la Loi modernisant le régime de santé et la sécurité au travail. L’intégration des risques psychosociaux liés au travail est une suite prévisible des dernières lois en la matière même si c’est pas mal plus intangible que le risque d’utilisation d’un escabeau dans une chambre froide. Le plaisir étant toujours dans les détails, on a un mal de tête assuré en prenant connaissance des premières informations disponibles sur le chemin de conformité pour un dépanneur qui compte moins de 20 employés et qui doit maintenant désigner et faire former un employé (non-cadre) pour faire de lui un agent de liaison en santé et sécurité (ALSS) qui procédera à l’identification écrite des risques dans l’entreprise.

J’arrive rapidement au bout du nombre de mots, je vais devoir me limiter à deux derniers exemples, soit le projet pilote en cours pour en finir avec la loi sur les heures d’ouverture et l’abolition du prix plancher sur l’essence (mis en place pour préserver la concurrence) tout en obligeant les exploitants à di user leurs prix en temps réel sous peine d’amendes. On ajoute des obligations plutôt que d’alléger la charge des exploitants.

Essayons de voir le verre un peu plus plein, la tari cation des unités de maintien chaud et froid lié aux permis du MAPAQ a été abolie, une économie de quelques centaines de dollars par exploitant. La réflexion est en cours sur la vente de produits entre permis de vente de détail et d’autres sujets pour diversifier notre o re. On a déjà eu une première rencontre franche avec le nouveau ministre Samuel Poulin ; il semble connecté au terrain.

Dans le contexte économique difficile et la concurrence des géants étrangers, il faut à tout prix éviter d’ajouter des coûts fixes sur nos opérations fragiles. D’autant plus que les deux employés clés qu’on avait dénichés à l’étranger, logés, formés, francisés, intégrés dans nos équipes doivent quitter leur emploi à la n du mois faute de pouvoir renouveler leur permis de travail.

La bonne nouvelle, ce qui nous permet de bien effectuer notre travail à titre d’Association, est que notre réseau est composé de propriétaires passionnés, de familles de marchands de 3e ou 4e génération ancrées dans leurs communautés. Dès qu’un législateur rencontre son épicier local avec le souci de comprendre leur réalité, il saisit rapidement la nécessité d’aborder notre industrie sous une autre perspective. Nous poursuivrons donc activement nos actions an de présenter au maximum de décideurs l’urgence d’agir an d’alléger vos opérations. Nous ne ménagerons aucun effort.

Pierre-Alexandre Blouin, Président-directeur général