Offrir les bons outils à notre clientèle
Mai 2023
Remontons un peu dans le temps. Pas très original, j’ai grandi avec un père complètement investi dans son épicerie. Claude, pour ceux qui le connaissent, a toujours été un marchand dévoué, audacieux et toujours à l’écoute de ses clients. Après des années à Montréal, c’est au début des années 1980 qu’il s’est relocalisé à Laval. C’est dans ce magasin que je suis retourné travailler à ses côtés au milieu des années 1990. On a toujours eu à cœur l’intérêt de nos clients et de nos partenaires. On n’a pas hésité à faire des rénovations, mais on a fini par être trop à l’étroit, incapable d’offrir l’expérience attendue par nos clients. On a donc dû remettre nos billes en jeu dans un projet ambitieux au cœur de ce qui allait devenir le centre de la ville de Laval. Je suis fier de notre magasin, mais j’ai toujours beaucoup d’idées pour améliorer l’expérience pour nos clients. C’est ce qui me motive à continuer dans cette industrie un peu folle.
Jeune, j’ai classé des bouteilles brunes, puis j’ai vécu l’arrivée de la consigne publique en 1984. Au fil des années, on s’est mis à classer plein de nouveaux contenants, vu la croissance du nombre de formats et de matières de contenants consignés qui revenaient dans notre magasin. Depuis l’annonce de l’élargissement de la consigne, chaque fois que je passe le seuil de la porte du magasin, je m’arrête, je regarde le triste spectacle de paniers pleins à rebord de contenants, de gens qui attendent, visiblement insatisfaits. La semaine dernière, un client de longue date vient me voir pour me dire : « Ça sent la robine dans l’entrée. » Je me suis bien gardé de lui dire que les cartons de lait allaient bientôt contribuer aux plaisirs olfactifs ou encore de lui raconter toutes les histoires d’horreurs sur ce que l’on peut retrouver d’inattendu dans ces contenants souillés. J’ai envoyé un commis faire une ronde de nettoyage, sachant que l’odeur ne peut se dissocier longtemps de l’opération.
Je cherche en vain l’équation qui fait penser à certains que la meilleure solution pour la réussite de cette importante réforme passe par mon portique exigu, un contenant à la fois dans la fente, puis mes employés qui vident et transitent ces contenants souillés à travers le magasin pour aller les entreposer à travers les aliments dans l’entrepôt.
Je suis inquiet. Chaque fois que je parle avec un détaillant, je ressens la même inquiétude. Comme vous, je suis un gars pragmatique. Comme détaillant-propriétaire qui se doit de faire des choix et de planifier ses investissements, j’ai besoin de prévisibilité. J’ai besoin de connaître mes options. Ça prend des modèles d’affaires adaptés aux réalités physiques des exploitants et aux besoins de la clientèle.
Je participe activement depuis que je suis président de l’ADA à de nombreuses rencontres concernant la modernisation de la consigne et je suis encore estomaqué du peu de considération qu’ont certains pour l’expérience des usagés. Nous sommes à six mois de l’échéance imposée par le règlement du gouvernement et tous les chantiers urgents traînent ou se déroulent derrière des portes closes. C’est insensé.
Sur papier, la modernisation promise de la consigne est moderne et efficace, mais le temps manque. Dans la précipitation, on risque de devoir implanter des demi-solutions, de tourner des coins ronds. J’ose croire que nos élus auront l’intelligence de nous laisser le temps nécessaire pour bâtir un système à la hauteur des attentes des Québécois.