Pour faire face aux éléments

Octobre 2024

Éditorial de Michel Dépatie

Même les plus jeunes d’entre nous se souviendront de l’épisode du verglas de 1998, et les autres en ont sûrement entendu la légende. Une combinaison météorologique rare à l’époque avait paralysé une bonne partie de la province, avait mis à risque les chaînes d’approvisionnement et nous avait montré comment nous sommes impuissants face à ces bouleversements. C’était un événement que l’on ne devait plus revoir de notre vivant. Pourtant, le verglas a remis ça au printemps 2023, pas avec la même ampleur qu’en 1998, mais le phénomène a quand même forcé la fermeture de nombreux commerces et généré des pertes considérables d’aliments.

Cet été, c’est un déluge de pluie qui s’est abattu sur plusieurs régions du Québec, une année record de pluie et de chaleur. De la pluie, ça ne devrait pas nous inquiéter, ce n’est pas de la glace sur les fils électriques. Et pourtant, c’est devenu catastrophique dans certaines régions. On y reviendra.

La nouvelle réalité des changements climatiques nous affecte tous en tant que société. Comme détaillants, nous commençons aussi à vivre des situations qui vont changer notre façon de faire et qui vont générer des coûts importants dans le futur.

Les développements commerciaux se sont faits un peu sur le pilote automatique sans trop se soucier des
phénomènes environnementaux très rares dans notre coin du globe où l’on n’a pas peur d’une grosse tempête de neige. C’est préoccupant de voir comment on est mal préparés aux bouleversements climatiques. En effet, il ne tombe presque plus de neige et quand elle tombe, elle le fait d’un seul
coup et parfois pas dans le bon mois.

Les restes de l’ouragan Debbie ont fait des ravages cet été. Chez moi, à Laval, des commerces ont été inondés, notamment sur un terrain enclavé dans Chomedey, mais aussi mon propre magasin. Heureusement, on a pu sauver les meubles, tant au sens propre qu’au figuré, en passant continuellement notre machine à plancher pour récupérer à temps le surplus d’eau.

Aucune commune mesure avec le IGA Extra de Jimmy Mondor à Berthierville, qui est une perte totale. Je ne me rappelle pas un tel sinistre forçant la fermeture et la reconstruction complète d’un supermarché. Un incendie peut arriver, comme un compresseur qui ne supporte pas la canicule ou un délestage
électrique prolongé, mais je n’avais jamais entendu parler de 38 pouces d’eau dans un magasin d’alimentation. Ça prend du courage et de la détermination pour réussir à passer à travers une pareille
épreuve autant pour monsieur Mondor que pour ses employés. Depuis, une question demeure, que nous apportera la prochaine surprise ?

On doit revoir nos façons de faire en matière de construction et nos systèmes d’équipements qui devront
aussi répondre aux nouveaux standards énergétiques, parce que l’autre catastrophe qui s’en vient, prévisible celle-là, ce sont les coûts d’électricité qui vont augmenter. Nos voisins ontariens et européens y goûtent déjà et les plans d’Hydro-Québec ne nous épargneront pas.

Aussi prévoyants que nous soyons, nous restons à la merci des égouts pluviaux qui n’ont pas été prévus pour gérer d’aussi grandes quantités d’eau. Les refoulements surprises causant des inondations risquent de générer d’autres catastrophes tant au niveau résidentiel que commercial. Les coûts d’assurance seront en forte hausse pour plusieurs. Le nouveau cadre normatif sur les zones inondables doit être publié cet automne par le gouvernement, ce qui ajoutera à la méfiance des assureurs dans plusieurs secteurs.

Nos équipements devront être renforcés pour contrer les chaleurs estivales qui sont de plus difficiles pour
nos systèmes et revoir la technologie de nos lubrifiants et réfrigérants qui, dans bien des cas, devront être
remplacés en raison de nouvelles normes gouvernementales. Dans les prochaines années, il sera difficile de subvenir à nos coûts d’exploitation qui seront en hausse dans un contexte où nos marges de manœuvre financières sont de plus en plus faibles.

Installation de génératrices, meilleurs lubrifiants et réfrigérants dans nos systèmes, équipements de
maintenance d’urgence, bassins de rétention, on va devoir multiplier les investissements pour préparer
nos commerces essentiels à la nouvelle réalité environnementale. Ça fait beaucoup, beaucoup de
dépenses additionnelles. Aussi essentielles qu’elles apparaissent, plusieurs propriétaires n’auront
malheureusement pas les moyens de les déployer au risque d’importantes ruptures de services pour la population. On poursuit la discussion à notre congrès de novembre au Château Frontenac à Québec. À très bientôt.

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