PL 170 : Moderniser la Régie des alcools, des courses et des jeux

Mars 2018

Le 21 février dernier, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, dévoilait en présence du premier ministre Philippe Couillard, et du député de Jean Lesage, André Drolet, qui pilotait le dossier, le projet de loi modernisant le régime juridique applicable aux permis d’alcool modifiant diverses dispositions législatives en matière de boissons alcooliques. Dès la première lecture, il est apparu que très peu de dispositions s’adressent aux détaillants en alimentation, contrairement à d’autres secteurs d’activité comme celui de la restauration.

Au moment d’écrire ces lignes, il est prévu que les détaillants ne seraient plus obligés de cadenasser les installations réfrigérées hors des heures de vente permises. De plus, les heures d’exploitation applicables aux permis d’épicerie devraient être prolongées d’une heure, de sorte que les activités autorisées pourront débuter dès 7h le matin. Enfin, en cas de manquement aux règlements sur la promotion, la publicité et les programmes éducatifs en matière de boissons alcooliques, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) pourrait suspendre ou révoquer un permis ou encore imposer des sanctions administratives pécuniaires.

Fait marquant de ce projet de loi, le gouvernement du Québec entend conférer des pouvoirs plus importants à la RACJ, en ouvrant la porte à utiliser davantage la voie réglementaire. De fait, s’il est  plus simple d’adopter des règlements que de réviser une loi, comme en atteste le processus actuel, il devient dès lors plus facile de changer les règles du jeu qui entourent l’exploitation des permis d’alcool, au gré de l’actualité politique et médiatique. Nous sommes préoccupés par l’absence de prévisibilité d’une pareille approche pour les détenteurs de permis.

Par ailleurs, l’ADA est surprise de constater que quelques éléments qu’elle estime importants ne figurent pas dans le projet de loi. Parmi les enjeux soulevés par l’ADA au cours des consultations tenues à l’automne 2016, retenons :

51 % de denrées alimentaires
L’importance d’inscrire dans la loi l’obligation d’avoir une prédominance alimentaire dans l’octroi de permis de vente d’alcool au détail. Le Québec a décidé de ne pas avoir de liquor stores privés et se faisant, pour obtenir un permis, il faut démontrer avoir 51% de denrées alimentaires en inventaire. Avec leur offre variée d’aliments combinée à l’alcool, les épiceries et les dépanneurs sont les mieux adaptés pour offrir une complémentarité et des conseils. Cependant, un meilleur suivi après l’octroi du permis est, selon nous, un incontournable puisque beaucoup de commerces ne respectent plus cette mesure une fois le permis octroyé. Avec 8 000 points de vente privés, les Québécois sont loin d’être en manque de disponibilité d’offres d’alcool dans la province.

Les promotions croisées et le respect des prix minimums
Nous avons également fait part aux élus du problème majeur que représente le non-respect des prix minimums. En effet, devant la tolérance de la RACJ, l’industrie teste toutes les façons d’attirer le consommateur en contournant les prix minimums de la bière (promotions croisées). Le processus d’indexation des prix minimums de la bière est problématique depuis longtemps, ce qui a favorisé l’établissement de la bière comme produit d’appel par excellence. Les plus petits commerçants n’arrivent plus à demeurer concurrentiels, ce qui les pousse à s’approvisionner illégalement chez leurs concurrents comme Costco. Dans son rapport annuel 2017, le conseil d’éthique des boissons alcoolisées dénonce également les promotions croisées qui, en plus de tirer les prix des catégories vers le bas, banalisent la consommation d’alcool.

Équité CAD-CSP et heures de vente
Au Québec, vendre de l’alcool est un privilège. Bien que les détaillants apprécient pouvoir offrir ce service à leurs clients, ils déplorent que, pour diverses raisons, des avantages déloyaux soient accordés au secteur de la consommation sur place (CSP) et non à celui de la consommation à domicile (CAD). En plus d’avoir droit à une plus grande sélection d’alcool dans chacune des catégories (spiritueux, vins et bières en fût, importations privées, etc.), le secteur CSP a droit à des heures de vente étendues. Les détenteurs de permis CAD intéressés devraient pouvoir élargir leurs heures de vente comme leurs concurrents CSP, notamment dans les zones touristiques et/ou dans les zones de pêche et de chasse, sous réserve de l’obtention d’un permis spécial.

Dégustations
Finalement, les dégustations sont extrêmement appréciées des consommateurs et permettent à ces derniers de découvrir de nouveaux produits. En revanche, les règles actuelles entourant les dégustations en magasin sont trop restrictives. Une simplification des règles entourant la tenue de dégustations (lorsque réalisées par du personnel dûment formé) serait très appréciée des détaillants, des producteurs d’alcool et des consommateurs.

35 de 42