VANCOUVER: Au royaume des dépôts

Juillet 2022

Visites à Vancouver

Dans le cadre du Grocery & Specialty Food West Show à Vancouver, deux administrateurs de l’ADA ont profité de l’occasion pour se familiariser avec le système britanno-colombien de consigne. Identifié comme le modèle à suivre au Canada, nous étions curieux de voir de nos yeux en quoi ce modèle peut nous aider à faire face aux défis de la consigne modernisée québécoise, dont on attend les derniers détails avec l’édiction des règlements finaux. Nous avons été accueillis dans leurs locaux par l’équipe d’Encorp Pacific, un des organismes de gestion désignés de la province.

État des lieux

Le système repose sur la responsabilité élargie des producteurs (REP) qui fixent la plupart des critères d’opération. Il y a différents types de points de retour en fonction des produits et des matières pour les boissons alcooliques et non alcooliques.

Le système de consigne en Colombie-Britannique dispose de bien peu d’automatisation, les contenants sont généralement collectés et transportés sans être écrasés. En juillet 2020, Encorp Pacific a lancé un programme pilote dans quelques dépôts qui permettra aux clients de retourner tous leurs contenants de boissons en aluminium sans avoir à les trier. Actuellement, les clients doivent séparer leurs canettes d’alcool de celles qui ne le sont pas, car le matériau est géré par deux agences différentes. C’est une source de frustration importante pour les utilisateurs.

Rôle des détaillants

Si les détaillants ont déjà eu un rôle prépondérant par le passé, il est aujourd’hui très marginal, selon les données d’Encorp Pacific. Seulement 3 % des contenants retournés dans la province l’ont été dans des commerces visés par l’obligation de reprise.

Les gens d’Encorp nous expliquent qu’ils ne misent pas sur la coercition. Ils mettent plutôt l’ensemble de leur l’énergie sur la qualité de la desserte aux consommateurs et à leurs partenaires exploitant des lieux de retour de contenants.

Les consommateurs préfèrent majoritairement les sites dédiés, stratégiquement positionnés un peu partout sur le territoire, des dépôts exploités par des entrepreneurs privés qui ont à cœur la réussite de leur petite entreprise. On évite d’implanter deux sites concurrents dans un même territoire donné afin de ne pas nuire à leur rentabilité. D’ailleurs, leur rémunération peut varier en fonction de la réalité des sites.

Yaletown Return-it Express Depot

Premier arrêt sur notre route, un site urbain parmi les tours à condo de Vancouver. Nous rejoignons Krystin Beck, responsable de l’assurance qualité pour Encorp Pacific, dans ce site qui ne permet que le dépôt « express » de sacs de contenants pêle-mêle.

Il s’agit d’un tout petit kiosque de quelques mètres carrés où les Vancouvérois viennent déposer des sacs pêle-mêle dans des bacs roulants. L’espace d’entreposage, derrière un mur, où sont entassés les bacs, est plus important. Le site était en rénovation, mais on a quand même eu droit à un petit tour du propriétaire et pu voir l’interaction avec quelques clients.

Une cliente a su imprimer son étiquette seule à l’aide de l’écran tactile et remettre son sac, mais un homme âgé a préféré remettre à plus tard le retour de ses contenants dans un autre site où l’on pourrait le servir et surtout le rembourser en argent. Les clients des sites dits express seront remboursés plus tard, une fois les contenants dénombrés dans un entrepôt d’Encorp Pacific, à l’aide de l’information sur l’étiquette, l’argent de leurs consignes leur sera versé sur la plateforme informatique où ils se sont préalablement enregistrés.

Les sacs sont déposés dans des bacs roulants, non compressés ou triés, et récupérés au moins une fois par jour faute de plus d’espace d’entreposage. Le site nécessite également un employé en tout temps même s’il y a de longs temps morts sans clients.

Encorp envisage d’ouvrir plus de ce type de dépôt à l’avenir, bien plus facile à implanter et capable de récupérer jusqu’à 2 millions de contenants annuellement. Il reste toujours des secteurs mal desservis de par la difficulté à trouver des locaux vacants à des coûts raisonnables et le faible appétit dans certains quartiers pour ce genre de service, considéré dérangeant par certains résidents.

On retient : Un concept pratique, mais qui nécessiterait de l’automatisation de tri et de compression pour limiter l’espace nécessaire et le nombre de collectes

Mount Pleasant Return-it Depot

Nous visitons un site traditionnel de dépôt manuel tel qu’on en retrouve un peu partout dans la province. Dès le seuil de la porte passé, nous avons un certain choc par rapport à nos standards alimentaires. C’est bien tenu, mais quand même un peu étrange de découvrir une sorte d’entrepôt écocentre ouvert au cœur d’une rue commerciale. Ça fourmille d’action, de la zone client à l’avant à la zone d’entreposage derrière, visible au public. Tout est ouvert de part en part. Deux options s’offrent aux clients, soit de passer par un écran tactile pour déposer un sac mixte dans le modèle express (comme Yaletown) ou encore de trier leurs contenants sur des tables en acier inoxydable avant de les remettre à un commis. Ces derniers décomptent les contenants, remboursent le client, puis disposent des contenants à la vitesse de l’éclair dans de larges sacs carrés rigides, qui, une fois pleins, seront empilés dans la zone d’entreposage.

Ce site est, de l’aveu de Mme Beck, un des plus performants parmi les comparables avec près de 10 millions de contenants de boissons manutentionnés annuellement. Ce n’est pas tout, les petits électroménagers et les électroniques peuvent aussi y être déposés. Ne disposant pas de matériel de compression, tous les contenants poursuivront leurs chemins entiers. Lors de notre passage, un mardi après-midi, il y avait 6 employés, en plus du gestionnaire, et l’entrepôt allait nécessiter une collecte assez rapidement. On nous dit que l’été, les odeurs peuvent être un enjeu, mais le site semble bien tenu. Les loyers à Vancouver sont dispendieux, mais le gestionnaire nous expliquait obtenir plus de frais de manutention que la moyenne en fonction de sa performance et pouvoir composer avec ses coûts d’opération élèves.

On retient : Un site dédié bien rodé qui permet de servir rapidement beaucoup de volume et même plus que les contenants consignés uniquement, mais on ne voit tout simplement pas comment on pourrait trouver autant de main-d’œuvre. Encore l’automatisation à la clé.

Encorp quality assurance and count centre

Dernier arrêt de cette brève tournée, cette fois dans une zone industrielle, nous nous rendons au site d’audit des contenants d’Encorp Pacific. C’est ici que sont finalement triés et comptés les contenants de sites comme celui de Yaletown. Les contenants seront également compactés sur une ligne de tri commerciale du fabricant Tomra, semblable à celle que l’on retrouvait dans le projet pilote du IGA St[1]Pierre de Granby. Il y avait une autre ligne d’un autre fabricant, mais elle n’était pas en marche opération puisqu’elle était brisée.

Il y a des centaines de sacs de contenants en attente d’audit et de compression. À l’autre extrémité de l’immense entrepôt se retrouvent des centaines de ballots de matières en attente de transport vers des usines de l’Ouest canadien ou américain. De par la quantité de matières présentes dans ces montagnes de résidus de liquide sucré, il y a évidemment des nuisances. Avec l’entrée en vigueur récente d’une consigne sur les breuvages laitiers, il semble que les rongeurs sont friands de la couche interne gorgée de liquide. Pas une surprise vraiment, mais néanmoins une bonne raison de s’en départir rapidement et de ne pas les accumuler indûment.

Nous tenons à remercier Krystin Beck et toute l’équipe d’Encorp Pacific d’avoir rendu ces visites possibles.

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