Modernisation de la consigne

Mai 2022

Le 26 janvier dernier, en conférence de presse, le ministre de l’Environnement Benoit Charette a publié le règlement visant l’élaboration, la mise en œuvre et le soutien financier d’un système de consigne de certains contenants.

Le règlement demeure complexe, avec plusieurs éléments, mais notre plus grande surprise a été l’obligation de tous les détaillants de plus de 2500 pieds carrés de récupérer des contenants consignés. Au Québec, c’est l’équivalent de près de 13 000 détaillants (incluant les pharmacies, épiceries, dépanneurs, quincailleries et magasins à grande surface).

Malheureusement, le projet de règlement à l’étude prône un copiercoller du modèle actuel tenu à bout de bras par les détaillants en alimentation. Notre position est claire : il est hors de question que les détaillants soient contraints de récupérer des contenants à l’intérieur et dans tous les magasins au Québec


Pour bien servir les citoyens dans cette modernisation de la consigne, il faut mettre en place:
Des sites dédiés à la récupération de tous les contenants consignés.
Des sites efficaces, rapides et automatisé.
Des sites facilement accessibles et bien adaptés aux différentes réalités régionales.

Notre proposition: Créer un réseau d’environ 1132 sites de récupération des contenants dans des zones commerciales à proximité des lieux de consommation où se rendent régulièrement des citoyens. Cette proposition conjointe des associations de détaillants a été soumise aux autorités et aux groupes de producteurs à l’été 2021. Elle permettrait de desservir 90 % de la population québécoise à moins de 10 minutes de déplacement, sur le chemin qu’ils empruntent pour faire leurs différentes emplettes.


Deux modifications au règlement sont essentielles:
Supprimer l’article 44, qui oblige l’ensemble des détaillants à récupérer tous les contenants consignés.
Prolonger le délai pour bâtir le réseau de sites de récupération pour un déploiement optimal du réseau.

Le règlement mentionne que des détaillants peuvent se regrouper, mais tout en spécifiant qu’ils demeurent individuellement tenus au respect des obligations. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Est-ce qu’en plus d’exploiter un lieu de retour partagé ils devront aussi en reprendre dans leurs murs ? À aucun endroit, dans le règlement, il n’est mentionné explicitement que les détaillants qui se regroupent verraient leur responsabilité individuelle de récupérer retirée.

Nous avons demandé au gouvernement de l’inscrire directement dans le règlement. Les détaillants qui désirent rejoindre un regroupement ou s’associer à un lieu de retour n’auront plus l’obligation de récupérer des contenants consignés. Ceux-ci pourront même indiquer aux clients, comme cela est prévu au règlement, le lieu et l’adresse du point de retour.

MODÈLE D’AFFAIRES DU SYSTÈME

Un organisme de gestion désigné (OGD), qui représente les producteurs, devra signer des contrats avec les opérateurs et s’assurer de respecter les objectifs de récupération et de valorisation des matières inscrites dans le règlement. Les producteurs devront s’entendre avec les opérateurs de sites et, à défaut de s’entendre, un principe d’arbitrage est mis en place dans le règlement. Alors, les producteurs devront payer le juste prix du coût d’implantation du système et les coûts réels d’opération et de gestion du système de la consigne.

Avec des modèles d’affaires durables, une foule d’exploitants potentiels, dont des détaillants alimentaires, des OBNL, et peut-être même des organismes publics, se porteraient volontaires pour appuyer la modernisation.

Cependant, en parcourant le projet de règlement et l’analyse d’impact économique de ce dernier, il est difficile pour l’instant de vérifier si le modèle d’affaires sera rentable pour les opérateurs.

UN DÉLAI TROP COURT

Selon le règlement actuel, la modernisation doit s’effectuer 10 mois après la publication du règlement. Selon nous, il est impensable de vouloir créer ce minimum de 1500 lieux de retour sur le territoire en dix mois. Les filières de production et de la logistique tournent au ralenti. Actuellement, c’est déjà difficile d’avoir des gobeuses et même des paniers d’épicerie.

Tous les entrepreneurs qui doivent faire des rénovations savent qu’ils doivent prévoir de longs délais pour les corps de métiers spécialisés, les matériaux et les fournitures. Penser qu’un détaillant indépendant peut préparer un projet qui répond aux règlements et aux spécifications à venir de l’organisme, potentiellement s’entendre sur un partenariat avec d’autres détaillants, s’entendre avec le bailleur, négocier avec l’OGD, finaliser les plans, demander un permis à la municipalité, organiser le financement, commander le matériel nécessaire, construire, aménager, embaucher le personnel et être prêt à offrir le service à la population au dixième mois… sérieusement ?

PROCHAINES ÉTAPES

D’emblée, nous tenons à souligner le travail de plusieurs détaillants qui ont pris l’initiative de sensibiliser les élus québécois aux impacts de la modernisation de la consigne sur leurs opérations. Sans être contre le principe de la consigne, il est impossible sur le plan opérationnel de gérer autant de volume de contenants pour les détaillants.

Nous espérons que le ministre et le gouvernement seront à l’écoute de nos propositions et qu’ils seront en mesure d’apporter les correctifs nécessaires au règlement selon nos demandes. Nous vous tiendrons au courant, dès que le règlement sera publié, des prochaines échéances.


MODERNISATION DE LA COLLECTE SÉLECTIVE

En même temps que le règlement sur la modernisation de la consigne, le ministre a également déposé le règlement sur la modernisation de la collecte sélective. Comme pour la consigne, le gouvernement part du principe de la responsabilité élargie du producteur pour moderniser la collecte sélective. Actuellement, les producteurs (dont les détaillants) paient pour le volume qu’ils mettent en marché et pour composer avec la récupération réalisée par les municipalités. Plusieurs détaillants ont également des ententes privées avec des récupérateurs.

Le règlement prévoit qu’un organisme de gestion désigné s’assurera de gérer l’ensemble de la filière de la collecte sélective, incluant l’imputabilité des centres de tri et la valorisation de la matière.

Cependant, dans sa forme actuelle, le règlement souhaite que l’ensemble des émetteurs de cartons, d’emballages et d’imprimés (CEI) soient desservis par les services municipaux. Nous croyons que les entreprises qui ont des ententes privées avec des récupérateurs doivent demeurer dans la modernisation de la collecte sélective. Il faudra uniquement que l’OGD puisse avoir les données pour s’assurer d’atteindre les taux de récupération souhaités par le règlement.

Ce qui est paradoxal dans tout cela, c’est que le délai de mise en place du nouveau système de modernisation de la collecte sélective ne doit être effectif qu’en 2025, contrairement à la modernisation de la consigne, qui doit l’être en 2023. Du côté de la consigne, tout est à construire, et de l’autre, il faudra certains ajustements, mais moins d’investissements, mais on pousse la consigne en premier lieu. Les deux règlements devraient avoir la même échéance : 2025!

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