Étiquetage : La mention « meilleur avant » risque d’être obligatoire
Août 2016
Si rien ne change, vous pourriez être obligés d’indiquer une date de péremption sur les produits préemballés dont la durée de conservation est de 90 jours et moins. En effet, l’avis de modification au Règlement sur les aliments a été publié en juin dernier et les organisations souhaitant se prononcer sur le sujet avaient 45 jours pour faire part de leurs commentaires.
Au moment d’écrire ces lignes, le MAPAQ terminait l’analyse des réactions et évaluait la possibilité de modifier le projet de règlement. Évidemment, l’ADA fait partie des organisations ayant réagit. Voici donc un résumé des principaux éléments que nous avons soulevés.
Une situation loin d’être catastrophique
Nous avons informé le gouvernement que nous ne nous opposons pas nécessairement à l’ajout d’une date de « meilleur avant » sur certains produits. D’ailleurs, des détaillants le font déjà sur une base volontaire. Par contre, nous ne voyons pas la nécessité d’introduire cette pratique de façon systématique à l’ensemble des points de vente du Québec. La situation est loin d’être catastrophique, il n’y a pas de crise sanitaire récente ou d’augmentation significative des cas de toxi-infections alimentaires justifiant une telle mesure.
Certains médias ont fait un parallèle avec le cas rapporté par une émission de Radio-Canada portant sur la falsification de dates d’emballage de viandes dans un supermarché en 2014. Ces amalgames ne tiennent pas du tout la route puisque d’aucune façon les modifications proposées par ce projet de loi ne peuvent empêcher ces gestes foncièrement malintentionnés. Changer la date d’origine d’un produit est déjà illégal au Québec et est passible de différentes sanctions.
Un risque d’accentuer le gaspillage
Nous avons également soulevé le fait que la modification règlementaire proposée nous semble incompatible avec un des objectifs du Plan d’action de développement durable du MAPAQ. D’un côté, on souhaite sensibiliser les consommateurs et les établissements alimentaires au gaspillage et de l’autre, on vient imposer l’apposition de dates de « meilleur avant » sur davantage de produits qui vont accentuer le doute dans la tête du consommateur sur la consommation de produits possiblement toujours conformes et propres à la consommation.
Les consommateurs canadiens sont déjà responsables de 51 % des pertes alimentaires totales, alors que pour les différents acteurs entourant le secteur du détail alimentaire ce n’est que 11 %. Bref, il se fait beaucoup de gaspillage alimentaire dans les différents foyers du Québec. Parmi les causes possibles, mentionnons le fait que bien des consommateurs préfèrent jeter plutôt que de consommer un produit dont la date de « meilleur avant » est atteinte dans leur frigo. Pourtant, bon nombre de produits dont cette date est dépassée peuvent être consommés sans risque s’ils ont été conservés correctement (chaîne de froid, emballage hermétique, etc.)
En modifiant le Règlement sur les aliments, il y aura plus de produits affichant une date de péremption et on peut donc supposer que les consommateurs jetteront encore plus de produits toujours comestibles à la poubelle.
Des balises qui favorisent les produits industriels
Les modèles d’affaires des détaillants ne sont pas tous les mêmes et des produits industriels usinés concurrencent aujourd’hui les produits frais préparés par nos bouchers et vendus chez les détaillants propriétaires du Québec. La nouvelle mouture du Règlement sur les aliments confère un avantage de taille aux produits usinés. En effet, ils bénéficieront de dates de « meilleur avant » beaucoup plus longues, en plus d’être exemptés d’identifier la date d’emballage puisque soumis à la réglementation fédérale.
Aucune simplification de l’inspection
La modification proposée ne confère aucun avantage pour les services d’inspection (CQIASA et Ville de Montréal) dans l’apposition obligatoire de date de « meilleur avant », au contraire cela risque de se compliquer. Malgré les recommandations gouvernementales (notamment le Thermoguide du MAPAQ), il n’existe pas de formule exacte pour évaluer la durée de conservation d’un produit, c’est la prérogative du fabricant. Un détaillant pourrait définir que son produit est propre à la consommation (« meilleur avant ») pour 2-3-4-X jours selon son gré, à condition que son produit demeure conforme aux normes. Les inspecteurs risquent d’avoir une charge de travail additionnelle puisque rien ne garantit que tous les détaillants se donneront les mêmes méthodes de travail.
En terminant, mentionnons qu’aucune date de mise en application n’est prévue et qu’il est toujours impossible de savoir si le gouvernement modifiera substantiellement le Règlement au moment de l’implanter.