Les grands acteurs du marché alimentaire doivent refonder leur légitimité

Février 2019

La légitimité et les intentions du secteur bioalimentaire sont constamment remises en question.
Comme membre de cette filière et intermédiaire privilégié avec le consommateur, il est plus important que jamais d’être en phase avec les attentes de ces derniers.

Dans une tribune publiée le 25 octobre dans le quotidien français Le Monde, l’économiste Philippe Moati note que les Français sont de plus en plus méfiants à l’égard de la grande distribution et ses promesses d’une transition vers le « mieux manger ».

Selon une étude réalisée par l’Observatoire société et consommation (Obsoco) en 2017, plus de la moitié disaient avoir modifié leur alimentation et 21 % des personnes interrogées suivaient un régime alimentaire permanent. Les Français accordent davantage d’importance à la santé, au sens donné à la consommation, et se préoccupent de l’empreinte environnementale et sociale de leur alimentation. De plus, une majorité de consommateurs disent ne pas avoir confiance en l’organisation « industrielle » du système agroalimentaire, qu’ils croient mené par des acteurs à la recherche de leurs propres intérêts, qui artificialise les produits, maltraite la terre et les animaux et, au final, menace leur santé.

Selon Moati, les signaux étaient visibles pour quiconque prête attention aux tendances sociétales. Les fournisseurs et les distributeurs ont été surpris par cette accélération récente, qui touche désormais leurs résultats. Les consommateurs boudent les grandes enseignes pour se tourner vers les circuits alternatifs (magasins spécialisés bio, circuits directs, mais aussi commerces spécialisés indépendants). Industriels et distributeurs ont pourtant fait des efforts en lançant des produits bio et locaux ou en soutenant les petits producteurs, mais le modèle dominant demeure axé sur le prix bas et la massification et la défiance demeure très forte à leur égard. C’est pourquoi la plupart des grands acteurs du marché se sont lancés dans le créneau du « mieux manger » et rivalisent d’ambition : bannissement de substances controversées, soutien à la conversion bio, amélioration de la traçabilité, création de fermes urbaines. Les grandes enseignes tentent à tout prix de refonder leur légitimité, mais leur parole est-elle crédible? Comment est perçue cette réorientation du discours? Selon un sondage effectué par l’Obsoco, la moitié des personnes interrogées doutent de la volonté de la grande distribution de changer de modèle, et seules 15 % croient à la pertinence des efforts entrepris. Moati conclut que les distributeurs se consoleront peut-être en constatant que les consommateurs sont encore plus sévères à l’égard des grandes entreprises de l’agroalimentaire.

BIO OU LOCAL?
Toujours dans Le Monde, un article publié le 19 octobre relate que les grandes multinationales se ruent vers le bio. En effet, les groupes sont en retard dans ce créneau, et la demande est très forte (+ 17 % d’augmentation des achats bio en 2017). Les distributeurs doivent également garnir les tablettes pour mettre en vedette le virage du « mieux manger ». Toutefois, plusieurs se questionnent sur la provenance de matières premières entrant dans la composition de certains produits puisque la production agricole française n’est pas en mesure d’approvisionner les grands volumes requis par cette forte croissance. Privilégier le bio ou le local? Encore un dilemme pour les consommateurs…

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